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Les fabricants

Mon père était fabricant de routes.

Sur le plan du grand parking des tas de cailloux attendaient sagement ses ordres.

Ils étaient somptueux, ces tas, déversés , agencés en chaînes, en massifs aux rebonds roses, rouges, verts, gris, bleuets ...

Nous - ce Nous des frères - nous en faisions notre jardin d'enfance.

Nous y fabriquions de la revanche.

D'un centimètre la légende.

Du cailloux la volte, le chagrin, la paix, le triomphe à l'excès.

Depuis les sommets, la multitude des contrées, des pays, des continents, des océans, des galaxies à la démesure de nos destinées rapides et colossales.

Courir même au déluge.

Atteindre.

Rouler. Plonger.

Manger la poussière jusqu'à l'aimer.

Époustoufler jusqu'à l'orgueil le minerai.

Conquérir.

Sysiphe, Golem, Gulliver. Goldorak. Go!

Une nuit.

Vers 7 ans.

J'ai fait le rêve le plus vital de ma vie.

J'étais sur le parking des tas.

Je bondissais de sommet en sommet.

Je méprisais de mes survols les masses de cailloux étranges.

J'étais botté de 70 000 lieues.

Je riais.

Et c'était comme monter sur les épaules de mon père.

Depuis.

Je ramasse les cailloux.

j'en garde.

J'en donne.

J'en vole.

J'en lèche.

j'en laisse au temps.

J'en retrouve dans mes poches.

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